C’est cousu de fil blanc: Rome veut mettre la Tradition au pas et l’obliger à reconnaître la validité et la licéïté de la nouvelle messe.


Avant cela, le Rév.me Dom Forgeot a voulu rencontrer les Capitulaires et les autres prêtres pour leur demander comment ils entendaient interpréter les Statuts et comment ils voulaient appliquer le chapitre relatif à la “célébration exclusive dans le rite traditionnel”. Il a été expressément demandé quel était la disponibilité à la célébration dans le Novus Ordo et quelle était la position doctrinale de chacun. Parfois, le Père Abbé a invité, en privé, à suivre l’exemple de sa communauté en adoptant un certain biritualisme, même si d’une façon réduite.

Disputationes theologicae, 23 août 2013.

Si ce qui est rapporté concernant les activités du commissaire investi l’année dernière par la Commission Ecclesia Dei des fonctions de supérieur général de l’Institut du Bon Pasteur à la suite de l’annulation du scrutin auquel avait procédé le chapitre, était exact, il deviendrait manifeste que Rome a décidé d’imposer à toutes les structures traditionalistes bénéficiant, de son point de vue, d’un statut canonique en règle:

  • d’une part, de reconnaître la validité et la licéïté de la messe de Paul VI;

  • d’autre part, de célébrer effectivement la nouvelle messe parallèlement à l’ancienne ou, au minimum, de se déclarer disposées à le faire.

Ce même révérendissime Forgeot, l’année dernière, avait déjà tenté de faire supprimer, dans les statuts, le caractère exclusif de l’utilisation du rite romain concédée par Benoît XVI au moment de la constitution de l’Institut du Bon Pasteur, dédiant ce dernier à « l’usage exclusif de la liturgie grégorienne » pour la messe et pour tous les sacrements, selon « les livres liturgiques en vigueur en 1962 » (Statuts II §2 de l’IBP).

La notion de rite exclusif et de « rite propre » inscrite dans les statuts de l’IBP qui est plus précise que les statuts de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre :

La fin particulière de la Fraternité S. Pierre est de réaliser ce but par l’observance fidèle des “traditions liturgiques et disciplinaires” conformément aux dispositions du Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988, qui est à l’origine de sa fondation.

Outre cet usage exclusif du rite traditionnel, que l’IBP avait en commun avec l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre, Benoît XVI a permis aux prêtres membres de l’Institut d’engager, à condition seulement de « respecter le Magistère authentique » du Siège Romain, dans « une fidélité entière au Magistère infaillible de l’Église » (Statuts II §2) et, conformément à son discours à la Curie Romaine le 22 décembre 2005, une « critique sérieuse et constructive » du concile Vatican II, pour permettre au Siège Apostolique d’en donner l’interprétation authentique.

Cet incident est survenu au même moment que le changement de position de Rome dans la discussion avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie-X (FSSPX), la réintégration étant d’abord proposée dans les mêmes conditions que celles accordées aux prêtres de l’IBP, avant qu’on n’exige de la FSSPX une affirmation explicite de la validité et de la licéïté de la messe de Paul VI — dont on savait pertinemment qu’elle ferait capoter les négociations.

Ce changement d’orientation à partir du milieu de 2012 est consécutif à la nomination de deux ennemis de la Tradition en général, et de la FSSPX en particulier, à la tête de la Commission Ecclesia Dei chargée des relations avec les communautés traditionnelles: NN SS Muller et di Noia.

Tout cela reflète aussi un affaiblissement de la position du Pape Benoît XVI, qui avait réussi à imposer son paradigme révisionniste de Vatican II, assorti d’une absence de demande de contreparties en échange des gestes en direction de la Tradition, lors de la création de l’IBP, puis lors de la levée des excommunications et, enfin, du début des discussions engagées, en 2009, avec Mgr Fellay, selon laquelle la réintégration ne devait pas être soumise à ce genre de conditions. Les modernistes, que cela avait mis en rage, ont fini, à partir de l’automne 2011, par faire plier le Pape, qui a signé une lettre à Mgr Fellay en juin 2012 qui exigeait la soumission de la FSSPX aux conditions posées par ses collaborateurs. Il est révélateur que la lassitude devait amener Benoît XVI à abdiquer quelques mois plus tard.

La visite apostolique des Franciscains de l’Immaculée, qui s’est tout récemment terminée par une décision du même acabit (imposition de la messe Paul VI) a d’ailleurs démarré au même moment, l’été 2012, moment auquel le tour de vis entamé dès 2011 par la partie moderniste de la Curie a pris un tour systématique après le capotage des discussions doctrinales avec la FSSPX.

Les membres du chapitre de l’IBP favorables au biritualisme étaient en minorité lors du chapitre de 2012: le révérendissime Forgeot a réglé ce problème en destituant, sans aucune base légale autre que son autorité, les membres qui ne partageaient pas cette position. D’où l’interrogatoire sur la validité et la licéïté de la messe de Paul VI pour s’assurer de la position de chacun: il en a été de même avec la FSSPX, à qui on n’avait rien demandé de tel entre 2009 et 2011, avant que Rome ne rajoute cette condition, d’abord au niveau de la Commission Ecclesia Dei, puis du Pape lui-même en juin 2012. Forgeot a ensuite fait ensuite avaliser cette décision, qui est tout de même assez scandaleuse, par Mgr di Noia.

Tout cela est parfaitement cohérent et parfaitement signé: les modernistes veulent, non pas forcément interdire la messe traditionnelle, mais revenir à la position du Pape Jean-Paul II, matérialisée dans l’Indult _Quatuor adhinc annos_ de 1984, qui conditionnait la permission de la célébrer, entre autres, à la reconnaissance explicite (déjà!) de la validité et de la licéïté de messe de Paul VI.

Je ne dis pas qu’il n’y a pas en dessous une querelle de personnes, puisque le directeur responsable de Disputationes theologicae est Don Stefano Carusi, qui était le chef de la faction mise en échec par le coup de main de Rome sur l’IBP l’an dernier; mais sous prétexte d’intervenir pour apaiser les choses, Rome en a en réalité très mesquinement profité pour imposer son (nouveau) point de vue, qui vise à revenir à la situation très restrictive de l’Indult précité de 1984, qui ne permettait, à la libre appréciation de l’ordinaire, la célébration de la messe tradition qu’à condition  :

qu’il soit bien clair que ces prêtres et ces fidèles n’ont rien à voir avec ceux qui mettent en doute la légitimité et la rectitude doctrinale du Missel Romain promulgué par le Pape Paul VI en 1970 et que leur position soit sans aucune ambiguïté et publiquement reconnue.

Tout cela est cousu de fil blanc.