Le plus haut moment de cette vie spirituelle de nos armées fut sans doute la Noël de 1914. Sur le front, il y eut des messes de minuit, des cultes protestants, des petits repas, une effusion de tous en tristesse, en joie, en espérances, en fraternité. La bataille ne s’arrêta pas mais elle fut traversée d’un rayon de paix. (…) Le plus souvent, les soldats calvinistes, trop isolés pour rien organiser, entrèrent dans la chapelle catholique. Pourquoi les juifs eux-mêmes n’y fussent-ils pas venus ? Ils ont donné ce Dieu au monde. Cette fête célèbre un souvenir de Judée, la crèche de Bethléem, une première heure très pure. Et puis, aujourd’hui, sur les pentes du Calvaire de France, Israël est mêlé aux enfants du Christ. L’église chrétienne ouverte à tous, chante et prie devant tous, pour tous, sans demander à personnes ses raisons. Chacun y peut songer, s’attendrir, s’enchanter à sa guise, et quand le prêtre entame le Pater noster, qui donc fermerait son cœur ? C’est la prière authentique du Christ. L’incroyant y trouve tous ses vœux formulés depuis deux mille ans. Comment se refuserait-il la douceur de répéter avec la foule, avec les meilleurs, le long des siècles, ce que son cœur lui suggère ce soir : Adveniat regnum tuum, Fiat voluntas tua. Beaucoup allèrent communier. Nul sourire de ceux qui, jadis, auraient aimé gouailler. Chacun sentait que tout cela tournait au bien de la patrie.
—Maurice Barrès, Les diverses familles spirituelles de la France, Paris, Emile-Paul Frères éditeurs, 1917, p. 205 et 209-210.
En cette veille de Noël, à l’issue de cette terrible année 2014, qui a vu l’horreur indicible accomplie, par les suppôts de Satan, dans ce merveilleux Proche-Orient que le Dieu d’amour choisit pour s’incarner, nous pouvons certainement, nous devons même, associer à l’universalité de Noël tous nos frères et plus particulièrement ceux, chrétiens, juifs, infidèles ou apostats, avec lesquels nous partageons la volonté de vivre notre identité européenne et de perpétuer les valeurs qui ont fait rayonner notre civilisation dans le monde entier.
Mais comme catholiques, ce soir comme tous les jours d’ailleurs, assistant ou nous unissant d’intention au renouvellement du sublime Sacrifice par lequel nos crimes furent rachetés, n’oublions pas que si le Diable fut pris de court par le triomphe de Pâques, qu’il n’avait pas prédit, il connaît parfaitement le pouvoir de la messe. Saint Paul le rappelle : « Nous prêchons la sagesse de Dieu renfermée dans son mystère, cette sagesse cachée qu’il avait prédestinée et préparée avant tous les siècles pour notre gloire ; que nul des princes de ce monde n’a connue, puisque s’ils l’eussent connue, ils n’eussent jamais crucifié le Seigneur de la gloire. » (1 Co., II, 8)
Le travail satanique tend à la destruction de l’ordre et de la vie. Cette puissance d’ordre et de paix qui était passée des mains de la Rome païenne à la Rome chrétienne et dont des pans entiers restent encore debout en Europe aujourd’hui, malgré les assauts de la prétendue Réforme et de la Révolution, peut encore être définitivement ruinée par les assauts conjugués des ennemis de Dieu à l’extérieur et de leurs semblables infiltrés à l’intérieur de ce qui reste de la Cité de Dieu.
On devine donc la rage du Diable, parfaitement averti de la signification de la messe à laquelle tant de gens assisteront ce soir. De fait on sait que tous ses efforts sont conjugués depuis toujours pour empêcher sa célébration et, à défaut, de la confiner dans les esprits et les cœurs d’aussi peu d’individus que possible. Dans cette lutte qui durera jusqu’à la fin des temps, tous les moyens sont bons y compris une dénégation sournoise consistant en un universalisme purement naturel, dans lequel Notre Seigneur Jesus-Christ serait chassé sauf pour accompagner passivement la perpétuation d’un vague ressort identitaire.
Ne tombons donc pas dans ce piège, sous prétexte d’un vain et creux rassemblement qui contribuerait à vider la messe de minuit du sublime rayonnement qui doit lui être propre, et veillons, par la ferveur de notre prière et la préparation préalable de notre conscience, à ce que dans nos communautés, nos familles et surtout dans notre propre coeur, le Saint Sacrifice de ce soir soit une éclatante proclamation du triomphe de Jésus notre adorable Sauveur sur Ses ennemis.