Le 10 mai dernier, le site Rorate Caeli a fait état d’une rencontre entre le Pape et Mgr Fellay, prétendant, sans vouloir citer ses sources, qu’elle «ne serait pas fortuite » et que « le Pape François est déterminé à résoudre » la situation de la Fraternité Saint Pie X (FSSPX). La FSSPX avait aussitôt mis en ligne un communiqué démentant ces affirmations et, fait rarissime, le Saint-Siège a ensuite confirmé en tous points la version de la FSSPX.
Mgr Fellay, supérieur général de la FSSPX, est revenu en grand détail sur cette affaire et, plus généralement, sur les relations avec Rome et la situation de l’Église, lors d’une conférence à Fabrègues le 11 mai 2014, dont la transcription vient d’être mise en ligne.
Le supérieur général y exprime notamment, vers la fin de son propos, un avis sur le Pape, dont il évoque les ambiguités et l’absence d’intérêt pour le dogme et qu’il qualifie de « pape foncièrement moderne […] à un point qui doit nous effrayer. »
S’agissant de la « rencontre » avec le Pape montée en épingle, la veille, par Rorate Caeli, le supérieur général de la FSSPX y réfute catégoriquement les affirmations selon lesquelles elle aurait été autre que brève et fortuite :
Jusqu’ici, je n’ai pas demandé d’audience. Et juste aujourd’hui, c’est amusant, court un bruit sur Internet. Quelqu’un dit posséder la preuve que Mgr Fellay a vu le pape, c’est une rencontre qui était préparée, etc…, etc… Je vais vous dire ce qui s’est exactement passé. La commission Ecclesia Dei avait demandé que je les rencontre. Je suis allé à Rome en décembre 2013 et, à midi, nous sommes allés manger à Ste Marthe. Le pape mange aussi à Ste Marthe dans ce vaste réfectoire plus grand que cette église, à l’écart des autres convives. Nous n’avons pas mangé à sa table ! Lorsque les Monseigneurs ont vu que le pape avait fini et sortait, ils m’ont pris ; nous sommes sortis du réfectoire et dans le couloir l’évêque qui était avec moi m’a présenté au pape. Je l’ai salué. Le pape a dit « Enchanté de faire votre connaissance », j’ai répondu « je prie beaucoup » ; je n’ai même pas dit que je priais pour lui mais simplement « je prie beaucoup ». Il m’a répondu « priez beaucoup pour moi ». Et c’était fini ; c’est tout.
Si vous voulez appeler cela une rencontre, vous le pouvez et vous pouvez aussi dire qu’elle était préparée mais cela ne sert strictement à rien !
Dire que j’ai eu une audience ou je ne sais pas quoi, ce n’est pas vrai. On utilise des petites choses vraies pour en faire des montagnes. On en fait des histoires qui sont complètement fausses. On a dit aussi que l’abbé Nély avait mangé avec le pape. C’est faux. Il était aussi à Ste Marthe. C’est une hôtellerie pour le clergé. Le pape mange dans un coin ; vous mangez dans un autre coin ; vous ne pouvez pas dire que vous avez mangé avec lui ; ou vous dites de manière tellement large que vous avez mangé avec le pape que cela n’a pas de sens, ce n’est pas sérieux. Là-dessus on construit toutes sortes de choses : « regardez, voyez, ils sont en train de faire des accords » ; ce n’est absolument pas vrai.
Mais au-delà de cette nouvelle clarification, la transcription de cette conférence mérite vraiment d’être lue dans son intégralité. Mgr Fellay y exprime une ligne très ferme, mais aussi parfaitement limpide, sur la situation actuelle de la FSSPX, qui est malheureusement à cent mille lieues de celle, soi-disant proche d’un accord, que tente de faire accréditer, sans aucune preuve et pour des motifs qui restent mystérieux, le site Rorate Caeli.
Mgr Fellay rappelle aussi un fait peu connu, l’attitude très hostile à la Fraternité de Mgr Muller, préfet du Saint-Office et à ce titre responsable des relations avec la FSSPX, qui a affirmé que la FSSPX, en dépit du fait que Benoît XVI a rendues inopérantes, en 2009, les « excommunications » fulminées en 1988 contre ses évêques, serait toujours sous le coup d’une soi-disant « excommunication sacramentelle », inventée de toutes pièces par le cardinal puisque elle n’existe pas en droit canon.
Le moins qu’on puisse dire, c’est que le supérieur général de la FSSPX a fait preuve d’une grande clarté et d’une parfaite transparence. S’il l’a fait, c’est évidemment dans le souci de préserver l’unité de la Fraternité. Et il est lucide : les deux principaux acteurs romains des discussions engagées avec la FSSPX en 2009 ont désormais changé et affichent aujourd’hui des positions beaucoup plus hostiles à la Fraternité que leurs prédécesseurs.
Lucide, Mgr Fellay l’est aussi sur la situation dramatique de l’Église, soumise au régime de navigation à vue qui a la préférence du pape François. Il emploie sur ce dernier et sur le risque de schisme qu’il fait courir à l’Église catholique des termes exceptionnellement sévères :
[…] selon toutes les indications que l’on a dans nos mains, il est pape. On verra bien si un jour des éléments nous poussent à dire autre chose. […]
J’ai cru comprendre qu’un certain groupe de cardinaux était en train de préparer quelque chose ; l’un d’eux a dit « si, lors du synode d’octobre, ils font passer la communion aux divorcés, alors il y aura un schisme dans l’Eglise ». Cela veut dire que certains vont réagir ; il y a des cardinaux qui vont dire «ça, ce n’est pas possible ! ». Je ne sais pas combien ils sont ; je prie, je supplie qu’ils aient le courage de parler ; qu’ils n’attendent pas, qu’ils se dépêchent ! Il n’est pas impossible, comme je l’ai déjà dit, que l’on arrive à une situation encore plus confuse. Imaginez que le pape se trouve du côté des malfaiteurs, qu’un groupe de « bons » cardinaux réagisse et qu’il faille bien sûr soutenir les bons contre un pape schismatique […]
Et Mgr Fellay va jusqu’à employer ces mots sans doute soigneusement pesés, mais qui laissent clairement percer la gravité de la menace que fait peser l’attitude du Pape François sur l’unité écclésiale :
Je pense que ce n’est pas le moment de dire qu’il n’est plus pape.
Dans ce contexte, contrairement à ce qu’affirme Rorate Caeli, les chances d’un accord sont pour l’avenir proches de zéro. Mgr Fellay, qui a montré, tout au long des tergiversations et des fréquents changements de positions de Rome, un très grand sang-froid, en est parfaitement conscient. Sa conclusion est sans appel :
Il n’y aura pas d’accord, […] c’est absolument impossible dans la situation actuelle. Tout simplement.