Manuel Valls a-t-il bloqué une nomination épiscopale ?


C’est l’hypothèse formulée par Riposte catholique.

Tout cela est difficile à vérifier. S’agissant de Manuel Valls, un geste sectaire n’est jamais à exclure.

La politique se mêle parfois de ces nominations. Ainsi, lors de la nomination de l’archevêque de Strasbourg, certains évêques étaient à la manoeuvre: Mgr Minnerath, qui se sentait mal à Dijon, pour être transféré, par exemple. Mme Chirac militait en sa faveur. En plus, pour plaire au ministre de l’intérieur (Sarkozy, à l’époque) Minnerath avait cru bon de critiquer publiquement le CPE. Mais il est toujours à Dijon. Je suppose que cet activisme a été jugé déplacé.

Curieusement, quelques autres évêques avaient envoyé des lettres personnelles à Dominique de Villepin pour lui demander de tenir bon dans l’affaire du CPE et le féliciter en général de ce qu’il faisait.

Pour en revenir à la rumeur sur Valls, c’est donc possible. Maintenant, si vraiment la congrégation des évêques voulait nommer Mgr Batut à Metz, ils ne vont pas tarder à le faire sur un autre siège non concordataire, car il n’en manque pas qui sont vacants ou le seront prochainement (par exemple Nice, Amiens, notamment). Sur ces sièges, il y a une consultation officieuse du Gouvernement, mais elle ne lie pas le Saint-Siège. Si cette nomination ne vient pas, cela voudra donc dire que la rumeur est fausse.

D’autres circonstances plaident dans ce même sens: la pratique est évidemment de nommer la personne que propose le Saint-Siège. Ce dernier n’aime pas qu’on cherche à lui forcer la main. En l’espèce, il n’y avait pas urgence à pourvoir ce siège, qui n’était pas vacant. Je crois donc que s’il y avait eu un veto de Valls, la crise aurait pu durer plus longtemps.

De surcroît, l’écart de date entre la bulle du 24 juin et le décret du 27 septembre n’explique rien du tout, contrairement à ce que prétend Riposte catholique. En effet, par définition, la bulle a nommé la même personne que le décret. Donc, l’accord sur la personne est intervenu avant le 24 juin et non entre cette date et le décret. Les deux mois s’expliquent par les délais de transmission et l’intervention du Conseil d’Etat, ainsi, je pense, que par l’été.

On a tout lieu de penser que les échanges entre le Gouvernement et le Saint-Siège se sont déroulés cet hiver et au printemps: Mgr Lagleize a au demeurant indiqué à la presse avoir été pressenti par le nonce et avoir accepté peu après Pâques.

Sur le plan de la forme, enfin, il faut bien voir qu’il y a deux décrets présidentiels : le premier est antérieur à la bulle. Il est contresigné puis signé dès que l’accord est obtenu sur le nom et que l’intéressé a accepté. Simultanément (le même jour) la bulle est signée par le Pape. L’ambassadeur envoie un collaborateur la chercher au Vatican et l’envoie au ministère des affaires étrangères, qui l’envoie à celui de l’intérieur, qui saisit le Conseil d’Etat. Ce dernier examine la bulle et adopte un projet de décret autorisant sa «  réception» (son texte, en latin et en français, est transcrit sur le registre des délibérations du Conseil). C’est ce second décret qui a été signé en septembre. A cette occasion, le premier décret est également publié.

On voit donc pourquoi il est important que le Gouvernement ne publie pas le premier décret avant d’avoir reçu la bulle, mais contrairement à ce que croit Riposte catholique, la raison n’a rien d’hostile à l’Eglise : s’il le faisait, il provoquerait un conflit avec le Saint-Siège. Le sujet a fait couler beaucoup d’encre au temps du gallicanisme.