Le Pape dit que nous n’avons pas besoin d’aller à la messe


Si l’un de nous ne pense pas avoir besoin de la miséricorde de Dieu, s’il ne se considère pas comme un pécheur, mieux vaut qu’il n’aille pas à la messe

—Le Pape François, audience générale hebdomadaire sur la place Saint-Pierre, 12 février 2012, rapporté par Le Parisien

Je découvre donc dans Le Parisien de ce soir 1 que le Pape déconseille carrément à ceux « qui ne viennent pas chercher la miséricorde de Dieu » d’aller à la messe.

Evidemment, penseront beaucoup de lecteurs ! Si on n’y va pas avec de bonnes dispositions, c’est inutile. Il ne s’agit pas de magie. Il était temps qu’on arrêtât d’être hypocrite sur les vertus automatiques qu’on prête à l’assistance à la messe !

La messe, pensent-ils, n’apporte rien de bon à celui qui y va (ou la célèbre) en s’imaginant qu’il pourrait aussi bien s’en passer. Il n’y a pas un rayon invisible qui lui tombe dessus et qui le sanctifie malgré lui. Un tel événement peut, certes, se produire exceptionnellement et le récit de Claudel à Notre-Dame n’est pas un cas isolé, mais cela peut aussi bien se dérouler sous un poirier ou au bord de la mer. En même temps, la célébration de la messe est certainement un moyen efficace de transmettre des grâces à ceux qui en ont besoin, même s’ils ne sont pas présents ou ne savent rien de tout cela, pourvu qu’ils soient inclus dans l’intention du célébrant. Mais il n’y a rien, se disent-ils, d’automatique à tout cela ! Le Pape a évidemment raison de dire qu’il faut éviter de confondre la messe et une réunion mondaine et encore plus de s’y répandre en médisances.

Pourtant, ce n’est pas mon expérience et je me suis senti, pour la première fois depuis son élection, insulté par les propos du Pape. Pendant des années, je suis allé à la messe dans de mauvaises dispositions, sans communier, sans volonté de demander pardon. Mais le fait de croire à la validité du sacrifice, à son utilité, pour les autres à défaut que ce soit pour moi-même et surtout, faute de toute autre raison, pour manifester le culte que nous devons à Dieu et qui est sa fin première, m’a été d’un immense réconfort. Et lorsque le moment est venu, j’ai trouvé dans les grâces ainsi accumulées la force de revenir pleinement à une pratique régulière. Cela n’avait-il donc aucune valeur et aurais-je mieux fait de rester au lit ? Ce pape qui dit qu’il ne lui appartient pas de juger, pourquoi se croit il autorisé à juger des dispositions de ceux qui vont à la messe ?

Ah, me répondront mes amis papolâtres, prêts à tout pour trouver une excuse à chacun des propos du successeur de saint Pierre, il faut admettre que le manque de cohérence des propos du Pape actuel est évident. Mais pour le coup, ce qu’il a déclaré au Parisien ne doit pas nous choquer spécialement ! Il faut faire l’effort de ne pas chercher la petite bête dans tous ses propos, sinon on n’en finit jamais et on risque à la fois de lui manquer de respect et de perdre son temps.

Mais je ne demande pas mieux : restons précis, justement puisque le Pape de leur propre aveu ne l’est pas.

L’Eglise nous enseigne que la messe a quatre finalités. Il s’agit d’un sacrifice latreutique, eucharistique, propitiatoire et impétratoire. Il est aussi le moyen par lequel la vertu du sacrifice de la Croix est appliqué à chacun. Il est de foi certaine, comme l’a défini le concile de Trente, qu’elle produit ces effets infailliblement et immédiatement, quelles que soient les dispositions de ceux qui y assistent et même du prêtre célébrant.

Ces fruits se divisent, il est vrai, en plusieurs parties, inégales : le fruit général qui profite à tous les fidèles, vivants et morts ; le fruit spécial, réservé à ceux à l’intention desquels a lieu la célébration ; le fruit très spécial, pour le célébrant lui-même ; mais aussi le fruit dit moins général, qui profite aux fidèles qui assistent à la messe ou concourent à sa célébration.

Le sacrifice de la messe a en réalité une valeur infinie, comme le sacrifice de la Croix dont il est la vraie représentation et la continuation. Il y a évidemment beaucoup de gens qui ne croient pas ces choses, notamment les protestants. Mais il serait fâcheux que le Pape voulût montrer qu’il en ferait partie.

J’ajouterais que l’efficacité des grâces du sacrement (c’est à dire l’Eucharistie, terme que les modernistes utilisent, à l’imitation des protestants, pour désigner la messe au lieu des espèces eucharistiques qui y sont consacrées, alors que la messe, au contraire de ces dernières, n’est pas un sacrement mais un sacrifice) dépend effectivement des dispositions de celui qui communie, mais aucune disposition particulière n’est requise pour recevoir les fruits qui découlent de l’assistance (le cas échéant sans communier si on n’est pas dans les dispositions requises) à la messe : c’est bien pour cela que l’Eglise commande, sous peine de péché mortel, d’assister à la messe le dimanche et les jours d’obligation et qu’elle se garde bien de conditionner ladite assistance au fait d’être dans certaines dispositions—et encore moins de « rechercher la miséricorde de Dieu ». C’est en réalité le sacrement de Pénitence, institué par Notre-Seigneur Jésus Christ pour cela, qu’il faudrait que le Pape recommande à ceux qui ont besoin de la miséricorde de Dieu.

Mais de tout cela François n’a cure et ils nous en dispense d’un ton badin, l’oeil rivé sur l’attention que ça lui vaut de la part des journalistes du Parisien.

Confus, d’esprit manifestement protestant, intellectuellement inapte. Mais, Dieu merci, il ne peut rendre vrai quelque chose qui est faux. Pas plus que nous.


  1. L’article du Parisien n’est pas en accès libre, mais l’affaire a été évoquée le même jour dans le Point. [return]