La décision du Conseil d’Etat dans l’affaire Vincent Lambert est-elle idéologique ?


La conclusion du communiqué diffusé par le Conseil d’Etat à la suite de l’arrêt d’assemblée (C.E. Ass., 24 juin 2014, Mme F…I…et autres) sur l’affaire Vincent Lambert est éclairante :

La décision du Conseil d’État met fin à la suspension, qui avait été prononcée par le tribunal administratif, de la mise en œuvre de la décision du 11 janvier 2014. Le Conseil d’État rappelle que la loi prescrit au médecin, lorsqu’il prend une décision d’arrêt de traitement, de sauvegarder la dignité du patient et de lui dispenser des soins palliatifs.

Cette décision concerne exclusivement la situation de M. Vincent Lambert. Le Conseil d’État précise en effet que la circonstance qu’une personne soit dans un état irréversible d’inconscience ou, à plus forte raison, de perte d’autonomie la rendant tributaire d’un mode artificiel d’alimentation et d’hydratation ne saurait caractériser, par elle-même, une situation dans laquelle la poursuite de ce traitement apparaîtrait injustifiée au nom du refus de l’obstination déraisonnable. Chaque cas particulier doit faire l’objet, sur la base des éléments médicaux et non médicaux le concernant, d’une appréciation individuelle en fonction de la singularité de la situation du patient.

La réalité, c’est qu’alimenter quelqu’un — même « artificiellement » — ce n’est pas lui administrer un traitement : c’est juste le minimum nécessaire pour que n’importe qui puisse vivre.

Refuser les traitements déraisonnables et laisser les gens mourir naturellement en les soulageant, dans toute la mesure du possible, de leurs souffrances, c’est autre chose.

Un de mes amis, membre de la haute juridiction, qui a examiné l’affaire attentivement et a eu l’occasion d’en parler avec des collègues qui l’ont vue de plus près, estime que la décision rendue par le Conseil ne s’explique, malheureusement, que par des considérations idéologiques, maladroitement maquillées.

La suspension de l’exécution de l’arrêt du Conseil d’Etat, que la Cour européenne des droits de l’homme a demandée au Gouvernement en attendant qu’elle examine l’affaire sur le fond, tout en étant quelque peu humiliante pour la haute assemblée, porte surtout le sort de M. Lambert au comble de l’absurde et prolonge encore l’atroce calvaire de ses parents, pour lesquels on ne pourra sans doute pas prier assez dans les circonstances présentes.