Baptême de l’enfant d’un couple de lesbiennes : où est le problème ?


Yves Daoudal s’est récemment ému, sur son blog, à propos du baptême, célébré à Cordoba, de l’enfant de deux femmes lesbiennes :

Ce baptême a bien eu lieu, en la cathédrale de Cordoba, en Argentine. La marraine présidente n’était pas là mais avait envoyé une photo et des cadeaux. Le curé est tout content. Les journalistes aussi; et les militants LGBT ont gagné. Donc tout va bien dans le meilleur des mondes catholiques.

Ah oui, au fait, finalement les deux lesbiennes n’ont pas reçu le sacrement de confirmation.

Histoire de bien souligner que ce baptême est illégitime au regard du droit canonique (canon 868 §1, 2).

Mais que dispose exactement le code de droit canonique (celui de 1983, promulgué par Jean-Paul II) ?

Can. 868 - § 1. Pour qu’un enfant soit baptisé licitement, il faut:

1 que les parents y consentent, ou au moins l’un d’eux, ou ceux qui tiennent légitimement leur place;

2 qu’il y ait un espoir fondé que l’enfant sera éduqué dans la religion catholique; si cet espoir fait totalement défaut, le baptême sera différé, selon les dispositions du droit particulier, et les parents informés du motif.

§ 2. En cas de danger de mort, l’enfant de parents catholiques, et même de non-catholiques, est licitement baptisé, même contre le gré de ses parents.

Il est intéressant de noter que le code de droit canonique pio-bénédictin de 1917 était moins exigeant :

Can. 750 - § 1. L’enfant des infidèles est baptisé licitement, même contre le gré des parents, lorsque son état de santé est tel qu’on peut prévoir raisonnablement qu’il mourra avant d’atteindre l’âge de raison.

§ 2. En dehors du péril de mort et à condition qu’il soit pourvu à son éducation catholique, l’enfant des infidèles est baptisé licitement : n1) Si les parents ou tuteurs,ou l’un d’eux au moins consentent; n2) Si les parents, c’est-à-dire le père, la mère, le grand-père, la grand-mère, les tuteurs font défaut ou ont perdu tous droits sur l’enfant ou s’ils sont dans l’impossibilité d’exercer leurs droits.

Can. 751 - Au sujet du baptême d’enfants de deux hérétiques ou schismatiques ou de deux catholiques qui sont tombés dans l’apostasie, l’hérésie ou le schisme, on observera généralement les normes fixées dans le canon précédent.

On voit que la notion d’« espoir fondé que l’enfant sera éduqué dans la religion catholique » et la préconisation de différer le baptême si cet espoir « fait totalement défaut » mis en avant dans le code de 1983 est une invention postconciliaire. Avant Vatican II, le droit de l’enfant au baptême et donc au Ciel, plutôt qu’aux limbes, en cas de décès avant l’âge de raison, passait avant toute autre considération. Ce n’était que pour les enfants de parents infidèles voire, « généralement », hérétiques et schismatiques, que le consentement d’au moins un des tuteurs et parents était requis.

Yves Daoudal s’émeut par ailleurs du fait que les « parents » (en l’occurrence, il s’agit plutôt des tuteurs) n’ont pas été confirmés. Mais aucun des deux codes, celui de 1917 comme celui de 1983, ne leur fait cette obligation et c’est bien normal. Le code de 1983 a en revanche introduit cette obligation, non pour les parents, ce qui serait absurde, mais pour les parrains : personne ne peut tenir sur les fonts baptismaux un enfant qu’à condition « qu’il soit catholique, confirmé, qu’il ait déjà reçu le très saint sacrement de l’Eucharistie et qu’il mène une vie cohérente avec la foi et avec la fonction qu’il va assumer » (can. 874).

Or on a toutes les raisons de penser que le président argentin, Mme Kirchner, qui a accepté d’être la marraine, remplissait ces conditions.

C’est donc manifestement tomber dans le panneau tendu par le lobby LGBT, qui a manifestement instrumentalisé ce baptême dont il affirme, sans fondement, qu’il s’agirait d’une « révolution des moeurs », que de crier au scandale alors que ce qui a été fait est tout à fait normal, même selon le code de 1983. Il est aberrant de refuser le baptême à un enfant dont les parents le demandent, puisque cet enfant, s’il meurt sans baptême avant d’avoir atteint l’âge de raison, sera privé du Ciel. Même l’innovation, — assez peu justifiée on est obligé de le dire, — introduite dans le code de 1983 pour différer le baptême lorsque l’espoir d’une éducation catholique fait « totalement » défaut ne s’applique pas vraiment au cas d’espèce : qui peut affirmer avec certitude qu’il est totalement exclu que cet enfant reçoive une éducation catholique ? Est-il dans une situation radicalement différente de celle des nombreux enfants dont les parents demandent encore le baptême uniquement comme rite de passage ?